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Le Journal de Gnafron
11 décembre 2006

Les Illuminations


_9_52Les Illuminations

(… une cloche de feu rose dans les nuages)

Maginez-vous que des mécréants prétendent que c’est à Lédéhef qu’on doit les illuminations du 8 décembre à Lyon. Les ignares ! y savent même pas qu’à Lyon on a inventé les illuminations avant l’électricité !

La preuve que les illuminations de Myrelingues étaient déjà célèbres au 19ème siècle, c’est qu’en 1878 Arthur Rimbaud leur a dédié un livre que se nomme justement « Illuminations ». Et pour bien faire comprendre combien il était admiratif des festivités yonnaises, le génial poète de Charleville a écrit : « … les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité… ». Et toc ! velà pour les benazets et autres caquenanos que ne connaissent rien à Lyon et à la poésie.

Bien sûr, par après, ça a un peu changé. Au jour d’aujourd’hui, où le commerce et la finance priment les traditions et la fraternité, les illuminations yonnaises sont devenues la « Fête des Lumières » ; et je ne suis pas sûr qu’il faille y voir un hommage aux philosophes du 18ème siècle…
      
Quoi qu’il en soit, cette année, mon ami Claudio s’en est venu à l’esqueprès de Bordeaux pour arreluquer les festivités lumineuses du 8 décembre. Il a été très impressionné par le nombre de badauds qui, en groupe et en procession, lentibarnaient dans les rues. Il a aussi été surpris de constater que la fontaine de Bartholdi, sur la place des Terreaux, se nomme la Garonne. Je crois que ça l’a un peu vesqué, vu qu’à Lyon on a déjà le Rhône et la Saône, et qu’il a trouvé bien prétentieux d’acuchonner ainsi les fleuves et les rivières en s’appropriant la Garonne et ses affluents. J’ai bien tenté de lui expliquer que c’était un effet du célèbre humour de nos édiles yonnais... (humour que l’actuel Merdelion s’attache à illustrer par l’admiration et le respect qu’il me témoigne presque quotidiennement et que seule égale la dévotion que je lui porte en retour)…

Mais j’ai bien vu que Claudio ne me croyait pas vraiment ; et comme je ne voulais pas qu’une quelconque contrariété perturbe son séjour à Lyon, je me suis empressé de lui proposer d’aller de collagne se restaurer à Vert-Olive (qui est, comme chacun sait, le plus agréable des restaurants du bas des Pentes de la Croix Rousse). Là, tout en vidant nos pots de Côtes, on s’est souviendu que la phrase de Rimbaud, rapport aux Illuminations, était exactement : « Pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages ».

ça nous a fait comme un coup de tavelle sur le coqueluchon, à cause qu’on ne voyait pas bien ce que pouvait être une cloche de feu, et pis, qu’en plus, Claudio affirmait que le feu n’est jamais rose. Finalement, pour venir à bout de la discussion, on a recommandé des pots de Côtes qu’ont eu un effet des plus bénéfiques sur nos mémoires. Y nous est reviendu que le génial Arthur avait également écrit : « Et la soif malsaine Obscurcit mes veines ». Y nous a semblé que ça faisait écho à la devise du bon Rabelais : « Buvez toujours avant la soif, et jamais elle ne vous adviendra ». Comme bien s’accorde, nous nous sommes appliqués à approfondir consciencieusement le sens de ces deux fragments essentiels de nos humanités. Nous avons mis tant de zèle dans la pratique de cet exercice littéraire, que nous sommes ressortis de Vert-Olive profondément émus. Si tellement émus que nous avons oublié les quenelles de chez Bobosse que Claudio était allé amoureusement chercher aux Halles pour rapporter, en souvenir de Lyon, à sa fenotte.

     Claudio est rentré à Bordeaux, mais les quenelles sont restées dans mon frigo. Y va falloir que je les lui porte. Remarquez, ça ne me fait pas peine d’aller à Bordeaux. D’autant que Claudio m’a garanti qu’on n’y buvait pas plus l’eau de la Garonne, qu’on ne boit celle du Rhône à Lyon, et qu’en plus, par bonheur, il n’y a pas de Beaujolais. La seule chose qui me chiffonne, c’est que je ne sais pas si on y trouve des pots de Côtes. Claudio m’assure qu’ils ont, là-bas, une sorte de variété de Côtes du Rhône qu’ils appellent le Bordeaux. Je trouve que c’est bien prétentieux de donner le nom de sa ville à un vin, plus encore que de mettre la Garonne et ses affluents entre le Rhône et la Saône… mais je vais faire comme si je n’avais pas remarqué.

Paceque, pour dire la vérité, j’ai bien envie de rendre visite à Claudio. Et pis aussi à sa fenotte. La fenotte de Claudio, elle est la plus chenuse de toutes les fenottes de mes amis. Elle a des yeux, si vous les voyiez !… et pis aussi un sourire… sans même parler de tout le reste. Même que quand elle nous regarde, on se sent tout flageolant sur ses fumerons, on reste là, pique-plante, la bouche ouverte… et alors, y semble « qu’il sonne une cloche de feu rose dans les nuages »… tandis qu’au fond de soi, ça fait comme des Illuminations.

Post Scriptum : Ainsi, vous l’aurez compris par vous-mêmes, pour apprécier Rabelais, rien de tel qu’un séjour à Myrelingues-la-Brumeuse, en compagnie d’un ami que peut vous aider à vider quelques pots de Côtes. Mais pour ce qui est de comprendre Rimbaud, mieux vaut la présence d’une chenuse fenotte, surtout particulièrement si elle ressemble à celle à qui mon ami Claudio doit d’avoir toujours 20 ans.
Quant aux Illuminations, y me semble bien que Lyon n’en a pas le monopole…

Gnafron

09/12/2006


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