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Le Journal de Gnafron
27 juin 2009

J’ai reçu, sur ma messagerie électronique, une

J’ai reçu, sur ma messagerie électronique, une histoire que m’a envoyée le Jean Belu, que souhaite vous la raconter, dans l’espoir que vous l’apprécierez.
Je vous la livre donc derechef ci-dessous, avec d’autant plus de plaisir que je n’ai, moi-même parsonnellement, plus le temps de tenir la plume du Journal de Gnafron, à cause que j’ai du travail à regonfle et, qu’en plus, j’ai aussi une nouvelle voisine qu’y faut que j’aide à emménager et pis aussi à renseigner sur tout un cuchon d’autres choses, attendu qu’elle vient d’un pays de l’estranger, qu’elle est très jeune et très chenuse... et qu’y faut bien s’entraider.

Gnafron

Un sacré charivari.

Bien le bonjour à vous, chenuses colombes et gentilles fenottes. Salut les gones et braves mamis…

Celle que je vais vous bajafler, si vous en voulez bien, remonte aux temps anciens d’autrefois. Quand même pas ; comme disait le Touane Favre ; du temps où Jésus Christ était garde champêtre à Saint Julien sur Bibost. Non, quand même pas !...Mais du temps où le grand père que je suis à cha peu devenu était encore un miaillon qui se propageait à quatre pattes.
Aujourd'hui, quand on parle de cette période, il est de bon ton de prendre un air grave en roulant des gobilles, comme un miron qui caque des mats de cocagne en travers. On dit généralement, après avoir regardé à gauche et à droite, c'était pendant les années sombres de l'occupation…
Allons, zenfants, restons sérieux ! A qui ferez vous croire que l'esprit lyonnais, l'esprit de Guignol qui rit de ses misères n'avait plus cours durant cette période. Les vieux, qui me l'ont racontée en se tapant sur les cuisses, en rient encore à se décrocher le râtelier bien des années plus tard. Ils le font en essuyant la petite larme au coin de l'oeil ; comme si qu'y zavaient des regrets de cette époque. Oui bien...Oui bien : c'était leur jeune temps et voilà...
La maison où s'est passée l'histoire, faisait comme un L majuscule à deux branches égales, elle avait cinq étages, presque un gratte-ciel pour l'époque. Il y avait bien sûr, point d'ascenseur et, si mes souvenirs me jouent pas des tours, quatre portes par carré.
La concierge habitait au rez de chaussée, une petite épicerie qu'elle tenait toute seule, son mari n'étant jamais revenu de la guerre de quatorze. Elle s’'appelait Mame Muche, la concierge, oui. Elle ressemblait franc à la meman du Michel Sardou, mais en catégorie poids lourd, si vous voyez ce que je veux dire. Une maîtresse femme, mame Muche, un caractère entier, qui fallait pas trop y aller contre ou alors ça tardait pas à y avoir des turbulence dues au déplacement d'air engendré par son gabarit d'artilleur. Attention à l'atterrissage accrochez vos ceintures. C'était clair et direct comme on dit chez nous avec délicatesse:Elle vous emballait pas rien la mouscaille dans du papier de chocolat.
Les gens, que sont de bien méchant monde, en disaient bien sûr pas des sucrées sur elle; mais dans son dos. Autrement elle te leur aurait carrément foutu une atousée pas piquée des artisons, un revire Marion à leur enlever les cigales qu'y zavaient dans le cotivet. Non mais...des fois?
Quand on la prenait mal -et fallait pas chercher beaucoup, pour le faire- on déclanchait sa voix de centaure. Que même les sirènes qui nous appelaient aux abris à coté de ça, disons pour comparer, c'était de la petite musique de nuit. Même la sentinelle des troupes d'occupation, fier guerrier casqué d'acier et botté de cuir qui gardait je ne sais plus quoi ,ou je ne sais plus qui, de l'autre côté de la rue, en restait agrogné au fond de sa cadolle et ne bougeait plus ni pied ni patte de son tabagnon en attendant la relève.
Voilà pour la mère Muche:on vous aura averti.
Au premier, habitait un couple particulier, du fait qu'ils étaient sourds et muets tous les deux, lui, relieur de son métier, artet en diable, roi de la dorure et du tranchefile. Elle, s'occupait de son ménage et comme elle s'y démenait en silence, c'est sûr que ça changeait avec toutes ces sampilles qui savent faire rien de rien sans faire aller le battillon, fumelles acariâtres sans cesse à gongonner après nous les zommes, pauvré diables qué nous sommes... comme dit la sansson. Souriante, gentille, démenette, une sacré fenotte, les anges du paradis à coté d'elle vous semblaient de vieilles poules à bouillir. Pensez : jamais un mot plus haut que l'autre et pour cause...enfin:quand même, soyons pas méchants.
Sur le carré du dessus, pil poil au dessus, logeait la famille Méru,le père,la mère et trois miaillons. Un cuchon de Méru que c'était : toujours à chougner, à courater,à jouer  aux gobilles à caca-boson dans les escayers, brèfle,on pouvait pas les louper. Comme à la cé ène cé effe: Attention, regardez avant de trabouler:un Méru peut en cacher un autre. Bref, comme disait Mame Muche : ça pilulait sec.
Le gilou, le lulu et la Suzon Méru. Oui, la Suzon, qu'on y disait cenpoton pour la faire bisquer parce qu'elle donnait un peu des airs à un petit barricot sur pattes. Elle avait des lunettes rondes et des kikis, c'était la mode les kikis, on avait pas un troc d'arton à becter, mais des rubans y nous en restait à Lyon alors longue vie aux kikis. La Suzon Méru, on aurait franc dit une Josyane Balasco en modèle réduit, sous un gros noeud papillon, un peu genre compression à la César -pas Jules non, l'autre, le recycleur- César Baldacintruc chose, le barbu qu'a fait le patineur acque des vieilles barafutes rouillées soudées au cétylène que j'aurais pas voulu payer les bouteilles... Quand on y voit, on se demande toujours comment que ça s'abouse pas. On dirait franc un éprouvantail qu'aurait marché sur un bouchon de limonade. Voui, voui ! De lare concomprend rien comme y disent! Que ça vaut des espinchaux pis des cabassées d'escalins à en faire peter la cachemaille de l'écureuil. Dire qu'on se tarabuste l'entendement en serchant quoi faire des équevilles !
Mais je m'éloigne, revenons à nos Mérus, on se croirait au jeu des sept familles. Bon... Le père, c'était une grignette, bronzé comme un claqueret avec une grosse moustache sous un crâne d'oeuf. Genre l'acteur de cinéma que je me rappelle jamais son nom...vous savez bien. Voilà : le Gérard Jugnot, en plus petit. Quand il arrivait, sa moustache le précédait, moustache en balayette qui lui valait des surnoms gratinés comme seuls les gones savent en donner, le plus poétique étant brossacu, allez donc savoir pourquoi?
La mère, elle, compensait par une surabondance mammaire qui nous éblouissait, la frêle constitution de son époux. Ce n'était pas sa moitié mais son double. Elle chérissait un miron faux jeton qui adorait se coucher de tout son long sur ce promontoire ne devant... et derrière aussi, rien au silicone. Bref quand vous saurez que les deux autres bénazets, le Gilou et le Lulu semblaient sous leurs bérets ronds bien emboîtés à deux bébés girolles toujours mâchurés et enchifrenés vous aurez fait connaissance avec la sainte famille.
L'histoire se passa par une nuit sans lune et sans alerte, bien après minuit. D'un seul coup, d'un seul, ça se mit à chapoter, à chapoter... Des badabims, des badaboums... De plus en plus fort, des coups énormes qui résonnaient dans les escayers, à croire un bombardement et pourtant personne avait entendu les sirènes. Un raffut du diable à réveiller les morts de Loyasse à la Guillotière en passant par Cusset et puis des cris, des cris à vous dresser le poil. Des cris abominables à vous lever la petariffe, une horreur de charivari. Personne n'osait bouger, tout le monde pensait aux verts de gris et après le couvre feu fallait pas rien les emmargailler les doryphores: y z'y appréciaient modérément. Because, l'esprit d'outre Rhin mon neveu…
Tout le monde reste agrobé au bardanier en priant la Marinette d'en Fourvière de faire cesser cette affreuseté, mais le déluge de coups continue, la maison en tremble. Si ça dure, tout va tomber en bave, c'est quasi la tour Pitrat infernable… Les derniers jours de Pompe… La charge de la brigade légère... La chenille de la vogue à Perrache… Reischoffen et du sicoti dans les houblonnières... Ou plutôt, comme y disent en Ecosse « le monstre d'Elliot-Ness»...
Alors là, guerre ou pas guerre, couvre feu ou quartier libre, .ça commence à bien faire et dans ce buildinge qui vacille et qui va tomber de Caraîbes en cirage. La mère Muche, la concierge qui n'aime pas bien qu'on la cherche, la mère Muche dis-je qui ne supporte pas qu'on lui vole son sommeil, saisit son balais et vêtue de sa robe de chambre qui a vu la grande guerre, a vraie, s'élance, à borgnon, à l'assaut des escayers en se dirigeant, tout comme les grognards de l'empereur au son du canon vers le palier du drame. Arrivée devant la porte des Méru, qui qu'elle voit, la mère Muche? Qui qu'elle voit? Enveloppé du long suaire d'une chemise de nuit au pantet conséquent, le bonnet de coton de traviole, sautant sur place dans une danse digne d'un chef indien ? Le sourd muet, mes belins, le sourd muet, mes braves gones, qui dégognait quasiment la porte à coups de poings, à coups de pieds, à coups de darnier, tandis que, de l'autre coté, le père Méru, le trouillomètre à zéro gueulait  d'une voix pleine de juste courroux : qui que c'est ? Qui que c'est t-y ? vain bleu ! Si vous ne dites pas qui que c'est, moi j'ouvre pas !
La mère Muche a eu tôt fait de mettre les points sur les i : C'est le muet! C'est le muet, sac à papier ! Ouvrez, enfin!
Tous les gens se retrouvèrent en chemise sur le carré. Après complément d'enquête on s'aperçut que le père Méru ayant une fuite d'eau était en train d'inonder les deux sourds muets qui n'en pouvaient mais. Pour couronner le tout, cerise sur le gâteau, rhum sur le baba, le rideau de fer de l'épicerie de la mère Muche, laissant filtrer un trait de lumière. La brave sentinelle de l'armée d'occupation qui s'ennuyait dans sa guérite, n'en ayant guère, d'occupation, après un magistral coup de sifflet à roulettes décida de faire parler la poudre en se payant un carton comme à la vogue. Du coup, fin du réveillon, tout le monde retourna se coucher en vitesse. La mère Muche, bien sûr, incendia le fusilleur en des termes choisis où les mots artoupan, cogne-mou, pillandre, qui revenaient souvent plongèrent le factionnaire dans une profonde hébétude.
Le lendemain, il parait qu'il en demanda des essplications au bistrot d'à coté : was ist Artoupanne ?
Bref ! Je n'ai jamais pu savoir s'il a enfin compris...
Méru coupa l'eau... On donna la main aux muets pour éponger. La balle avait  traversé le chéneau de descente des eaux qui passait près de la porte du mazaguin. On pouvait encore admirer l'impact dans les années soixante et pis y ont refait les façades et la zinguerie ... Aujourd'hui y a plus que moi qui m'en souvienne.
Et voilà, une page d'histoire de France et même d'histoire de Lyon qui se tourne.
Et la mère Muche ? Et ben ils l'ont même pas décorée ... Pourtant y z'en ont décoré des cuchons d'autres  et des finauds qui en avaient bien moins fait. Voui voui, décoré comme des sapins de Noël ...Dame...
On avait encore des rubans à épuiser et c'était pas la Suzon Méru et ses copines qu'avaient vidé les stocks acque leurs kikis.
Comme quoi, c'est toujours les mêmes qui se font tuer comme disait aussi le Touane Favre
En conclusion finable, si vous aussi vous vous demandez : Wass ist ein Artoupan ? Allez donc aux cours de parler Lyonnais des amis de Lyon et de Guignol, y a ben encore des braves gones qui vous y essquepiquerons et pis beaucoup d'autres mots encore.

Jean Belu

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